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Toute vérité n'est que perception

Ethique journalistique et droits de retransmission d’événements sportifs : le mariage impossible ?

Exemple avec ESPN et la NFL.

La plus grande chaîne de télévision consacrée aux sports vient de suspendre sa plus grande star, Bill Simmons, pour trois semaines suite à des propos qu’il a tenus lors d’un podcast à l’encontre de Roger Goodell, le patron de la NFL. Ce dernier est embourbé dans un scandale de violences familiales commises par plusieurs des joueurs de la Ligue.

Bill Simmons compte près de 3 millions d’abonnés à son compte Twitter et dispose de son propre site Internet, Grantland, dans l’empire médiatique d’ESPN. Il est probablement l’analyste sportif le plus célèbre et le plus influent des Etats-Unis. En témoigne d’ailleurs le fait que, avant-hier soir, le hashtag (mot-clic) #freeSimmons (libérez Simmons) était le plus populaire sur Twitter aux Etats-Unis.

Le podcast incriminé a été supprimé par ESPN mais les propos qui ont valu à Simmons d’être suspendu – y compris de Facebook et Twitter* – ont été rapportés par la presse américaine :

Goodell, s’il ne savait pas ce qu’était sur cette vidéo**, est un menteur. Voilà, je l’ai dit. Il ment. Si vous le faisiez passer au détecteur de mensonges, il échouerait. (…) J’espère vraiment que quelqu’un va m’appeler ou m’envoyer un email pour me dire que je vais être châtié pour ce que je dis à propos de Roger Goodell. Parce que, si cela produit, je le rendrais public. Foutez-moi la paix. Le patron de la NFL est un menteur et j’ai le droit de le dire sur mon podcast. S’il vous plaît, appelez-moi et dites-moi que j’ai fauté. Je vous mets au défi”.

Ces propos sont typiques d’un éditorialiste qui sait que la provocation est sa meilleure arme pour “faire” de l’audience et dont l’ego est peut-être hypertrophié. D’où le défi lancé à ses supérieurs qui n’est pas, cependant, dénué de tout sens éditorial : il induit en effet que lesdits supérieurs pourraient être tentés de vouloir préserver la réputation de Roger Goodell.

Bill Simmons - (CC) David Shankbone

Bill Simmons – (CC) David Shankbone

ESPN – par des sources anonymes – explique que la principale motivation de la suspension de Simmons a trait à ce défi, tout en relevant que sa vedette a franchi les limites des principes journalistiques de la chaîne lorsqu’il a accusé Goodell sans produire de preuves de son mensonge supposé.

Cette dernière affirmation est plus que surprenante étant donné que d’autres commentateurs d’ESPN – au premier rang desquels Keith Olbermann*** (voir la vidéo ci-dessous) – ont vertement critiqué Roger Goodell sans être puni.

La liberté de ton va généralement de pair avec le commentaire sportif outre-Atlantique. Incidemment, il suffit d’écouter Fox News durant quelques minutes pour réaliser qu’elle est aussi de mise dans le commentaire politique : si chaque commentateur de la chaîne conservatrice ayant traité Barack Obama de menteur devait être suspendu, la mire règnerait sur l’antenne.

Il est normal que la liberté des commentateurs d’ESPN soit parfois encadrée. La logique de la chaîne à cet égard est cependant plus que douteuse. Considérez  ainsi  l’incident, rappelé par The New Yorker, ayant récemment impliqué un autre commentateur d’ESPN, Stephen A. Smith. Celui-ci avait déclaré sur la chaîne que les femmes devraient faire attention à ne pas provoquer la colère de leurs compagnons (!). Smith avait été suspendu… une semaine pour cette délicieuse déclaration.

La relation contractuelle qu’ESPN entretient avec la NFL ne doit pas être étrangère à son étonnante approche éthique. Celle-là verse en effet à celle-ci 1,9 milliard de dollars annuellement dans le cadre d’un engagement de retransmission de 15,2 milliards de dollars qui court jusqu’en 2021.

Toute chaîne qui acquiert les droits de retransmission d’une compétition sportive (ou de tout autre événement) court le risque de faire passer sa relation commerciale avant la liberté – et donc la crédibilité – de ses journalistes et commentateurs. Ce problème n’existe d’ailleurs pas qu’aux Etats-Unis comme le montre la pratique des chaînes françaises.

En la matière, le compromis n’est jamais éloigné de la compromission.

* Incidemment, cela pose une nouvelle fois la question de la propriété des comptes des journalistes sur les réseaux sociaux.

** Vidéo révélée par le site TMZ montrant Ray Rice boxant et mettant KO sa fiancée dans l’ascenseur d’un hôtel d’Atlantic City (lire ici).

*** Qui, lui, est assurément un antipathique égomaniaque.

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