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Caroline du Sud : le drapeau confédéré et le sens de l’histoire

L’effroyable tuerie qui a frappé Charleston, la perle de la Caroline du Sud, mercredi dernier a contraint l’Etat à une confrontation avec sa propre histoire.

Mes incursions dans la politique internationale procèdent de ma passion pour ces sujets qui, pour reprendre une formule célèbre, ne me sont pas totalement étrangers, ayant conseillé il y a quelques décennies un futur Président de la République française pendant plusieurs années à leur propos. Loin de constituer un argument d’autorité, cette expérience motive simplement les digressions sur la géopolitique que je me permets dans ce blog, bien qu’il ne lui soit pas consacré.Christophe Lachnitt

Dylann Roof, le jeune suprémaciste blanc, a en effet été motivé par une haine raciale des Afro-Américains comme l’ont démontré ses propos pendant le massacre et des photos découvertes après le drame. Sur plusieurs d’elles, on le voit brandir le drapeau confédéré qui revêt une signification singulière dans l’histoire des Etats-Unis et, plus encore, de la Caroline du Sud et de Charleston.

Ce drapeau – qui connut trois versions successives – fut en effet l’emblème des Etats confédérés qui, entre 1861 et 1865, firent sécession des Etats-Unis suite à l’élection du Président anti-esclavage Abraham Lincoln. La Confédération fut formée à l’origine par sept Etats esclavagistes* (qui seraient rejoints par six autres**) dont l’économie reposait largement sur un système de production agricultural à base de plantations exploitant le travail d’esclaves.

Une plantation du sud des Etats-Unis - (CC) Christophe Lachnitt

Une plantation du sud des Etats-Unis – (CC) Christophe Lachnitt

Le gouvernement de la Confédération, formé avant la prise de fonction de Lincoln, fut déclaré illégal et illégitime par l’exécutif américain et la Guerre de Sécession – appelée “Guerre civile” outre-Atlantique – éclata le mois suivant l’accession de Lincoln à la Maison-Blanche. Elle dura presque quatre ans jour pour jour jusqu’à la reddition du général Lee au général Grant.

Or la Caroline du Sud et Charleston occupent une place particulière dans cette période de l’histoire américaine : l’Etat fut le premier à déclarer sécession et la ville vit le premier coup de canon de la Guerre civile.

Aujourd’hui, la Caroline du Sud et Charleston sont connues pour leur charme, leur patrimoine historique et le caractère accueillant de leur population (l’Etat truste les premières places dans les classements des plus sympathiques, hospitaliers et polis des Etats-Unis).

Le drapeau confédéré sur l’esplanade du Siège des corps exécutif et législatif de Caroline du Sud à Columbia - (CC) eyeliam

Le drapeau confédéré sur l’esplanade du Siège des corps exécutif et législatif de Caroline du Sud à Columbia – (CC) eyeliam

Dans le cadre de la préservation de ce patrimoine historique, le drapeau confédéré flotte sur l’esplanade du Siège des corps exécutif et législatif de Caroline du Sud à Columbia. Cette présence, qui heurtait nombre de membres de la communauté de l’Etat qui la considérait comme un hommage à son passé esclavagiste***, est devenue intolérable pour un plus grand nombre encore d’Américains depuis la tuerie de la semaine dernière.

Parmi les Républicains, Mitt Romney fut le premier leader, dans un tweet, à demander le retrait du drapeau, démontrant qu’il est plus aisé de prendre des positions courageuses lorsqu’on n’est plus candidat à aucun mandat électif. Son message fut retweeté par des dizaines de milliers de personnes, dont Barack Obama.

Hier soir, Nikki Haley, la gouverneure républicaine d’origine indienne de Caroline du Sud, a exprimé sa volonté de voir le drapeau confédéré passer du Siège de l’Etat à l’enceinte d’un musée. Entourée de toute l’élite politique de l’Etat, elle prononça un beau discours, empreint de mesure historique et d’empathie tragique, afin d’essayer de bâtir un consensus local et national autour de cette décision – encore inimaginable il y a une semaine – qui devra être entérinée par une majorité des deux tiers du parlement de l’Etat.

Cela a été une période très difficile pour notre Etat. Nous avons regardé le diable droit dans les yeux et vu neuf personnes pleines de bonté et de prières être tuées dans l’un des endroits les plus sacrés que nous connaissions. Nous étions brisés par la douleur et nous avions besoin d’apaisement. Nous avons été capables de commencer ce processus, non pas en débattant des sujets qui nous divisent mais en organisant des veillées. En prenant nos voisins dans les bras, en rendant hommage à ceux que nous avons perdus, en nous mettant à genoux pour prier. (…)

Au cours des derniers mois, le pays a observé notre Etat subir une autre crise avec la trahison de l’un des nôtres qui tua Walter Scott****. La Caroline du Sud ne réagit pas avec des émeutes et de la violence comme les autres Etats qui ont connu des tragédies semblables. Nous réagîmes en nous parlant, en nous mettant à la place des autres et en trouvant un consensus pour faire progresser notre Etat. 

Résultat, les Républicains et les Démocrates, les Noirs et les Blancs s’unirent pour faire passer la première loi des Etats-Unis obligeant les forces de l’ordre à porter des caméras. Et je me présente devant vous comme une femme gouverneure issue d’une minorité élue deux fois à ce poste par les habitants de Caroline du Sud. Derrière moi se trouve mon ami le Sénateur Tim Scott, élu par ces mêmes gens comme l’un des deux seuls membres afro-américains du Sénat des Etats-Unis. (…)

L’Histoire est souvent emplie d’émotions. C’est encore plus vrai en Caroline du Sud que dans beaucoup d’autres endroits. En matière raciale, nous avons une histoire compliquée. Nous le savons tous. Beaucoup d’entre nous l’avons vu dans nos propres vies et dans les vies de nos parents et grands-parents. Nous n’avons pas besoin de rappel à ce sujet. (…)

Pour beaucoup de gens de notre Etat, le drapeau confédéré incarne des traditions nobles, des traditions d’histoire, de patrimoine et d’ascendance. Le meurtrier haineux qui a massacré nos frères et soeurs à Charleston a une vision pervertie et tordue de ce drapeau. En aucun cas, cet individu ne reflète les personnes de notre Etat qui respectent ce drapeau, et souvent, le révèrent. Ces gens perçoivent ce drapeau comme un symbole de respect, d’intégrité et de devoir. Ils le voient aussi comme un monument, un moyen d’honorer leurs ancêtres qui ont servi leur Etat durant un conflit. Ce n’est ni de la haine ni du racisme.

Dans le même temps, pour beaucoup d’autres habitants de Caroline du Sud, ce drapeau est un symbole profondément offensant d’un passé brutalement opprimant. En tant qu’Etat, nous pouvons survivre et même prospérer comme nous l’avons fait en hébergeant ces deux points de vue. Nous n’avons pas besoin de déclarer un vainqueur et un perdant parmi eux.

Nous respectons la liberté d’expression. C’est pourquoi nous n’empêcherons jamais ceux qui veulent rendre hommage à ce drapeau sur leurs propriétés privées de le faire. Mais ce bâtiment étatique est différent. Et les événements de la semaine passée nous portent à considérer ce sujet avec une nouvelle perspective. (…)

Nous sommes à un moment où nous pouvons affirmer que ce drapeau, tout en faisant partie intégrante de notre passé, ne représente pas le futur de notre Etat.

Le meurtrier désormais emprisonné à Charleston a déclaré qu’il espérait que son acte déclencherait une guerre raciale. Nous avons l’opportunité de lui montrer que non seulement il se trompe mais que c’est l’inverse qui se passe”.

Superception est consacré aux enjeux de perception. Or, au coeur des perceptions, se trouve la matrice culturelle de chaque individu et de chaque communauté à laquelle il appartient.

Cette matrice repose sur la transmission des anciens de notre famille, sur l’enseignement qui nous a été inculqué à l’école et sur les leçons que nous prodigue la vie. Chaque esprit humain constitue un humus intellectuel et émotionnel en perpétuelle évolution, pour le meilleur ou pour le pire.

En Caroline du Sud, nous avons vu le pire puis le meilleur. Le positionnement d’un drapeau peut sembler un sujet bien superficiel eu égard à la tragédie endurée par cet Etat. Mais il constitue l’un de ses meilleurs vecteurs de guérison par ce qu’il représente et, partant, les perceptions qu’il suscite.

Platon a défini l’homme comme “un être en quête de sens“. Pour donner du sens à une tuerie qui n’en avait aucun au-delà de la haine de son auteur, la communauté de Caroline du Sud revisite son passé afin d’y trouver la force de construire un avenir plus serein.

* Alabama, Caroline du Sud, Floride, Géorgie, Louisiane, Mississippi et Texas.

** Arkansas, Caroline du Nord, Tennessee et Virginie. Le Missouri et le Kentucky devinrent aussi membres de la Confédération mais sans déclarer sécession ni être contrôlés par des forces armées confédérées.

*** Ce drapeau fut aussi utilisé comme un signe de ralliement par les membres du Ku Klux Klan.

**** Walter Scott, un afro-américain fut tué par un policier blanc qui lui tira dans le dos alors qu’il tentait de s’enfuir et était désarmé. La scène fut filmée par un passant, ce qui permit de corriger le témoignage mensonger du policier.

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