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Manuel Valls et les “tweets méchants” : la politique est-elle un spectacle ?

Bien que cela n’ait pas transparu avant-hier soir lors de leur échange au cours de l’émission “Des paroles et des actes“, François Fillon et Manuel Valls sont au moins d’accord sur un point : la politique ne gagne rien à être abordée comme un spectacle.

De même que François Fillon avait refusé de débattre de son nouveau livre dans “On n’est pas couché“, l’émission de Laurent Ruquier, Manuel Valls a décliné, jeudi soir, l’invitation de David Pujadas et Karim Rissouli à lire un tweet critique de sa prestation dans leur émission.

Il est d’ailleurs permis de s’interroger sur les motivations qui portent France Télévisions à vouloir continûment effacer les frontières entre politique et spectacle. En particulier, l’émission de Laurent Ruquier, qui s’est fait une spécialité depuis des années de traiter les dirigeants politiques comme des cibles de ball-trap, constitue une aberration – pour dire le moins – vis-à-vis des missions de service public et, plus largement, du débat civique.

Le fait que les politiques continuent d’y participer, malgré la quasi garantie d’un buzz négatif, montre combien ils sont désemparés devant la crise de confiance qui les frappe dans l’opinion. Ce désemparement les conduit à rechercher tous les canaux susceptibles de les rapprocher de leurs électeurs. Même si, en l’occurrence, il s’agit avec le cirque pseudo-intellectuel d'”On n’est pas couché” d’un Canal- : moins de crédibilité, moins de pertinence, moins d’empreinte.

(CC) France 2

(CC) France 2

J’adhère pleinement à la position de François Fillon et Manuel Valls : la politique n’est pas un spectacle.

Il est de bon ton d’affirmer que la santé d’une démocratie se mesure à sa capacité à supporter la dérision. Je considère plutôt, avec le résistant et académicien français Louis Armand, que

Une démocratie est d’autant plus solide qu’elle peut supporter un plus grand volume d’informations de qualité“.

A cet égard, c’est le mélange des genres entre politique et spectacle qui me semble le plus dangereux.

Cela ne me choque aucunement qu’un dirigeant participe à une forme de spectacle dès lors que celui-ci est clairement dissocié de toute vocation politique. Nous avons ainsi déjà vu en France des politiciens évoquer leur passion extracurriculaire ou se livrer à une séquence d’autodérision dans une émission de pur divertissement. Ce n’est alors pas la femme ou l’homme politique qui s’exprime mais l’individu. La vocation de l’émission est claire et peut même contribuer à l’appréhension par les électeurs de la personnalité de leurs représentants.

Les Américains excellent dans ce genre d’exercices, comme le montre notamment la célèbre vidéo de Barack Obama lisant des “tweets méchants” à son endroit chez Jimmy Kimmel, scénette d’ailleurs donnée en exemple par Karim Rissouli à Manuel Valls jeudi soir. Mais, à la différence de nos amuseurs cathodiques, Jimmy Kimmel ne mélange pas politique et spectacle. Lorsqu’il interroge – ce qui est rare – un responsable sur un sujet de fond, il ne transforme pas cet échange en Grand-Guignol, même si ledit responsable a participé à une séquence facétieuse quelques instants auparavant. La frontière entre la familiarisation avec un dirigeant – parfois à son détriment – et la dégradation de la politique est préservée.

En France, à l’inverse, Laurent Ruquier se prend pour Alain Duhamel et David Pujadas veut désormais jouer les Yann Barthès. Or ni l’un ni l’autre n’ont le talent de Jon Stewart et Stephen Colbert qui sont capables d’éditorialiser aussi brillamment que drôlement le débat politique tout en respectant la chose civique. A cet égard, la récente interview du Vice-Président Joe Biden par Colbert est un modèle du genre.

D’Ardisson à Ruquier, nos animateurs comiques qui abordent les sujets politiques s’y vautrent, dans les deux sens du terme. Ils traitent les politiques comme des vachettes d'”Intervilles” et les sujets de fond comme des intrigues de “Loft Story“.

Le mariage entre politique et spectacle pervertit la politique non pas par la théâtralisation qu’il induit mais parce qu’il détourne l’attention des vrais enjeux, et ce encore plus à l’ère des réseaux sociaux1. Ainsi la lecture d’un tweet ironique à la fin d’une émission sérieuse de près de trois heures aurait-elle exposé Manuel Valls – et France 2 – à voir l’ensemble de “Des paroles et des actes” réduit à ce seul gag au détriment des problématiques politiques abordées pour une fois en longueur à la télévision.

Cela étant dit, au-delà des stratégies médiatiques des uns et des autres, le principal défi concerne les politiques : il leur revient d’être dignes, dans leur comportement quotidien, du respect qu’ils revendiquent auprès des électeurs et observateurs.

Car le respect ne se décrète pas, il se mérite.

1 La théâtralisation est présente légitimement en politique, en particulier au moment des campagnes électorales, pour promouvoir les messages des candidats.

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