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Toute vérité n'est que perception

Journalistes et vérité : le rapport impossible ?

Les médias peuvent-ils s’instaurer en arbitres de l’honnêteté intellectuelle des dirigeants politiques ?

La campagne présidentielle américaine est marquée dans les deux camps par des arrangements avec la vérité aussi nombreux que significatifs. Dans ce contexte, plusieurs initiatives de vérification des déclarations des politiciens ont vu le jour au sein d’organes de presse ou d’institutions périphériques (lire notamment ici, ici, ici et ici).

Cette évolution pose deux questions complémentaires à celles que j’ai évoquées dans les articles précités.

La vérification des faits n’est-elle pas consubstantielle au métier de journaliste ?

On réprimande à juste titre un journaliste lorsqu’il rend compte de manière erronée d’un événement dont il est le témoin : si un journaliste de guerre, par exemple, assiste à un fait A et relate dans son reportage un fait B, il commet une faute professionnelle. Je me demande pourquoi il n’en va pas de même pour leurs collègues qui suivent la vie politique. Si un journaliste entend un candidat à une élection exprimer une affirmation et qu’il relate cette déclaration sans la commenter alors qu’il sait qu’elle travestit la réalité, ne commet-il pas exactement la même faute professionnelle ?

C’est pourquoi les initiatives de vérification des faits n’ont aucun sens. Au lieu d’être des rubriques spécialisées de certains médias, elles devraient figurer au coeur de la mission de chaque journaliste.

Cela m’amène à ma seconde question.

Le grand journaliste américain Edward R. Murrow incarna toute sa vie le combat journalistique pour la vérité, notamment à l’encontre du sénateur Joseph McCarthy – (CC) Umpqua

Les journalistes sont-ils crédibles pour trier le bon grain de l’ivraie dans le discours politique ?

Ici aussi, une analogie s’impose. Lorsqu’il s’agit de dénicher la malhonnêteté des dirigeants politiques dans leur comportement – à l’égard de l’éthique qui est attendue d’eux par exemple -, les citoyens acceptent (généralement) le rôle des journalistes comme vigies de la vérité. En revanche, lorsqu’il s’agit de vérifier l’honnêteté des politiques en ce qui concerne leur domaine d’action, l’arbitrage des journalistes n’est pas toléré. Pourquoi ?

Il me semble que cette différence tient au fait que l’action politique est un domaine beaucoup plus subjectif – car il a trait aux convictions politiques des électeurs – que le fait de savoir si tel ou telle a trompé son conjoint ou puisé dans la caisse. Cette relation aux idées politiques nous fait réagir émotionnellement sans considération pour les faits (lire les deux articles que j’avais consacrés à ce phénomène dans le domaine politique mais aussi dans le champ commercial : ici et ici).

Ainsi suffit-il à un homme politique accusé de mensonge de traiter le journaliste accusateur de menteur pour que ses supporteurs l’absolvent. A cet égard, l’évolution de l’écosystème médiatique n’est pas favorable à l’honnêteté du discours politique. En effet, la multiplication de médias d’opinion à la télévision et sur Internet ne facilite pas le travail des journalistes. Il existe ainsi outre-Atlantique deux chaînes d’information démocrate (MSNBC) et conservatrice (Fox News) et une foultitude de sites Internet au positionnement politique radicalisé. Or ces médias d’opinion sont rarement aussi regardants avec l’exactitude des déclarations de leurs hérauts qu’avec celle des propos du camp opposé.

En outre, les médias plus neutres n’ont plus la légitimité dont ils bénéficiaient il y a quelques années ou décennies. Ils sont en effet harcelés par les leaders politiques et leurs médias affiliés dès qu’ils s’en prennent à la véracité de leurs affirmations. Il est donc de plus en plus difficile pour eux d’apparaître équilibrés dans l’opinion publique. Partant, de plus en plus de journalistes abdiquent leur devoir de vérification pour préserver leur image de crédibilité. Paradoxalement, l’absence de légitimité sur le fond sert la crédibilité des journalistes. La neutralité prévaut sur la vérité.

Le résultat est que le débat politique se nivelle par le bas. Certains hommes politiques peuvent déclarer n’importe quoi – comme le candidat républicain au Sénat Todd Akin affirmant qu’une femme victime d’un “vrai viol” ne tombe pas enceinte car son corps trouve des moyens pour se défendre – sans que le journaliste qui lui fait face cille.

Or, quand personne ne cille, la démocratie vacille.

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